mardi 1 janvier 2013

Piano, piano!

À ce stade-ci, l'expérience de l'Heure du Conte est assez bien intégrée au schéma corporel de la plupart de mes petites souris de bibliothèque.

Elles sont capables de prédire ce qui va se passer, en sont fort sécurisées et maîtrisent vraiment bien les consignes. Il est certain que par moments, la Folie, celle que nous tentons toujours de chasser par le biais de la Formule Magique, vient parfois pointer son nez espiègle. Et c'est très bien comme ça.

Quand celle-ci se montre un peu trop espiègle à mon goût, je la chasse, en disant à mes petites souris-toupies :

'' Piano-Piano mes amis, Piano.''

Et je ponctue la phrase en faisant le geste dans les airs, un peu
comme sur la photo. Ils adorent ça.

Avant Noël, les petites souris semblaient avoir beaucoup, beaucoup besoin de bouger. Il y a des semaines comme ça; ces semaines où mes histoires semblent les intéresser à peu près autant que le mode d'emploi inscrit à l'endos d'une bouteille de shampooing. Et c'est très bien comme ça. Je dois travailler plus fort, les écouter d'avantage. Écouter ce que toute cette bougeotte est en train de me dire...

J'en suis venue à comprendre, à force d'observer les enfants depuis plus de 20 ans, qu'auprès de ma maman, dans ma maison de banlieue des années 70, au décor brun et beige; cette propension qu'avait ma propre petite personne à constamment vouloir bouger, était beaucoup facile à moduler. Quand mes petites jambes à moi, se mettaient à fourmiller comme c'est pas permis, je sortais prendre l'air dans ma cour et me balançait pendant des heures en chantant le fameux Yellow Submarine des Beatles.

En boucle.

La voisine devait adorer.

Et quand arrivaient les neiges? Même scénario. Maman me saucissonnait dans ''ma suit de ski'' et m'expédiait dehors, presque sans surveillance. Qu'est-ce qui aurait bien pu m'arriver? Je passais des heures à pelleter des trous dans l'énorme banc de neige qui trônait devant notre maison. Après dîner, maman et moi faisions la sieste sur le canapé, la rumeur de Ciné-Quiz, berçant notre sommeil...

Le temps a passé. Les temps ont changé.

On a changé l'eau du bain. Et le bébé aussi.


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Essayez, juste comme ça, d'imaginer le quotidien d'un enfant moyen se développant en 2013.

Réveil aux aurores. Petit déjeuner avalé en vitesse. Siège d'auto. Maman et Papa pressés, pressés, avec leurs visages pressés. Leurs visages sérieux. La météo et les infos claironnant à la radio. Vite. Vite à la garderie, déshabille-toi. ''À ce soir mon trésor. Meuh non, mon chou, ne pleure pas. Allez, va voir les amis..."

Beaucoup de stimuli. Et la journée ne fait que commencer.

Pour la plupart des enfants nords-américains, la vie est un tsunami quotidien de stimuli, lequel n'est pas toujours facile à naviguer compte tenu du fait que leur système nerveux soit en pleine croissance.


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Plus un enfant est stimulé par le bruit, par la couleur, par les lumières, par le mouvement des autres, par la folie furieuse du temps des fêtes, plus son système nerveux est mis à contribution. Advenant qu'il soit trop sollicité, celui-ci saura s'adapter. Mais pas à n'importe quel prix.


Dans le cas de notre petite souris-toupie bombardée de toutes parts, cette adaptation la fera peut-être taper continuellement du pied. Ou se tortiller. Ou bavarder sans cesse. Ou devenir colérique. La réponse motrice du système provoquera, finalement, un comportement que nous nous empressons souvent à corriger, parce qu'il est dérangeant. Dé-rangeant.

Mais essayons un peu de voir les choses autrement.

Et si cette souris-toupie tentait simplement de nous signifier très clairement, son besoin d'être en mouvement? Histoire de faire circuler le sang et donc l'oxygène, vers les 72 km de tissu nerveux qui sillonnent son petit corps et vers le chef d'orchestre par excellence : j'ai nommé le cerveau. Et si cette façon de voir la bougeotte chronique de nos touts-petits, nous faisait un peu réfléchir sur cette tendance que nous avons tous, en ces temps modernes, à trop vouloir en faire. Tout le temps.


Elle est formidable notre époque. Mais elle est aussi très, très énergivore. Voilà pourquoi Il faut beaucoup jouer dehors. Savoir s'arrêter aussi. Le plus souvent possible. Tamiser les lumières. Éteindre la radio. Ne rien faire du tout. Mettre le Calme dans notre corps.

Pianissimo sourissimo.


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Lorsque mes petites souris ne semblent plus du tout disposées à écouter la belle histoire que je leur avais préparée, ou à vouloir suivre le beau programme que je leur avais concocté, je mets mes talents de chanteuse de Jazz à profit. J'improvise.



Parce que pour jouer du Jazz, du bon Jazz, il faut savoir écouter le Temps qui passe.

Puisse 2013 vous combler de Santé et de Temps. Avec ça, on fait le reste.

De retour à l'île des Moulins, le 8 janvier.

Caro.