mardi 15 janvier 2013

Mé.Ta.Phores!

 Mardi dernier à l'Heure du Conte :

Caro : Frrrrch! Frrrrch! murmure la brise en se faufilant dans les herbes. Montre-moi qu'est ce que tu penses que ça veut dire, toi, ma chouette.

Et la petite de faire naître la métaphore par les gestes. De très beaux gestes.

Caro : Et maintenant? Tout le monde a compris?

Tout le monde : Ouiiiii!

Caro : Si tu n'as pas compris, tu le dis n'est-ce pas? Parce qu'il n'y a pas de questions....

Tout le monde : Stupiiiiiiiiides!

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( Extrait de La valse de l'épouvantail. )

 Les métaphores. Certains en vantent les mérites, histoire de mobiliser l'élan empathique chez le tout petit.

 Vous comprendrez que j'ai plutôt tendance à abonder dans ce sens. Dans mes temps libres, je m'adonne à la lecture de tout ce qui se rapporte aux neurosciences. Les recherches les plus probantes en la matière, sembleraient pointer vers le fait que les métaphores consolident l'acquisition du langage et la capacité de se représenter l'expérience de l'autre. Tout à fait logique non? Moyennant la capacité à se représenter l'expérience de l'Autre, l'on sera d'avantage porté à freiner certains comportements. L'on aura d'avantage tendance à être respectueux, à être un individu qui considère et apprécie le point de vue des Autres. Cette fonction du cerveau, qu'on appelle la fonction éxécutive, mettra un certain temps avant d'être pleinement intégrée. En effet, cette région qu'on appelle le cortex frontal, est la toute dernière partie de notre remarquable cerveau humain à être pleinement fonctionnelle. Le cerveau du tout-petit ne possède pas beaucoup de ''fonction éxécutive''. Celui de l'adolescent non plus. On estime que dans le meilleur des scénarios, cette fonction ne s'intègrera pleinement, que vers l'âge de 30 ans. Vous m'avez bien lue.

 Il faut quand même l'aider un peu ce chou-fleur de cerveau de petite souris de bibliothèque. (Celui de notre Ado aussi. Surtout celui de notre Ado, compte tenu du tourbillon hormonal sévissant dans l'organisme) Il faut l'entraîner, pour qu'il puisse enfin s'affranchir du nombrilisme que lui confère son immaturité. Un peu comme un entraîneur guidera un athlète vers la médaille d'or ou vers la victoire.

C'est un peu ce que je me donne comme objectif à chaque Mardi de L'Heure du Conte : créer l'espace-temps nécessaire pour apprendre aux touts-petits à vivre et à interagir auprès des Autres.

Voilà pourquoi je m'efforce toujours à encourager la petite souris à se présenter aux nouvelles personnes qui intègrent le groupe. À lui enseigner l'importance de signifier ses besoins clairement, en regardant l'Autre dans les yeux. À attendre son tour avant de prendre la parole et dire à Tout le monde, vite, vite, vite, ce à quoi elle pense. Oh, je sais bien qu'elle mettra un certain temps avant de comprendre tout ça. L'empathie c'est comme un muscle, ça se développe. Alors il faut répéter, souvent.

On gagne beaucoup à voir l'Autre réagir, car le langage non-verbal est riche de leçons précieuses. En observant l'Autre, on apprend à se mettre à sa place, à se déposer. On apprend qu'on est différent tout en étant très semblable.

Voilà pourquoi j'accorde une très grande importance aux livres.

Les livres et les métaphores qu'ils recèlent, me permettent de dire sans trop parler. J'ai souvent trop parlé du temps ou j'étais éducatrice à la petite enfance, je l'admets. J'étais beaucoup plus jeune. Je faisais moins confiance au Temps. J'ai désormais tendance à laisser les livres parler.

Piaget disait que chez l'enfant, l'intégration du langage métaphorique et par le fait même, une certaine capacité à s'imaginer l'expérience de l'Autre, s'intègrera entre 7 et 11 ans.

Si la tendance se maintient, au mois de Juin prochain, la plupart de mes petites souris seront devenues de véritables championnes de la Métaphore. Elles sauront les reconnaître à un mille à la ronde. Pas mal pour des petits de 4-5 ans.
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Caro : '' Quenotte a la tête qui tourne encore quand un premier rayon de soleil perce à l'horizon.'' Une tête qui tourne, un rayon de soleil qui perce l'horizon. Ça se peut ça?

Tout le monde : Nooooooon!

Caro : Et pourtant, vous avez compris ce que cela veut dire?

Tout le monde: Ouuuuiiiii!

Caro : Comment on appelle ça, ces jeux de mots là?

Tout le monde: Mé! Ta! Phores!


Portez-vous bien,

Caro.











    

mardi 1 janvier 2013

Piano, piano!

À ce stade-ci, l'expérience de l'Heure du Conte est assez bien intégrée au schéma corporel de la plupart de mes petites souris de bibliothèque.

Elles sont capables de prédire ce qui va se passer, en sont fort sécurisées et maîtrisent vraiment bien les consignes. Il est certain que par moments, la Folie, celle que nous tentons toujours de chasser par le biais de la Formule Magique, vient parfois pointer son nez espiègle. Et c'est très bien comme ça.

Quand celle-ci se montre un peu trop espiègle à mon goût, je la chasse, en disant à mes petites souris-toupies :

'' Piano-Piano mes amis, Piano.''

Et je ponctue la phrase en faisant le geste dans les airs, un peu
comme sur la photo. Ils adorent ça.

Avant Noël, les petites souris semblaient avoir beaucoup, beaucoup besoin de bouger. Il y a des semaines comme ça; ces semaines où mes histoires semblent les intéresser à peu près autant que le mode d'emploi inscrit à l'endos d'une bouteille de shampooing. Et c'est très bien comme ça. Je dois travailler plus fort, les écouter d'avantage. Écouter ce que toute cette bougeotte est en train de me dire...

J'en suis venue à comprendre, à force d'observer les enfants depuis plus de 20 ans, qu'auprès de ma maman, dans ma maison de banlieue des années 70, au décor brun et beige; cette propension qu'avait ma propre petite personne à constamment vouloir bouger, était beaucoup facile à moduler. Quand mes petites jambes à moi, se mettaient à fourmiller comme c'est pas permis, je sortais prendre l'air dans ma cour et me balançait pendant des heures en chantant le fameux Yellow Submarine des Beatles.

En boucle.

La voisine devait adorer.

Et quand arrivaient les neiges? Même scénario. Maman me saucissonnait dans ''ma suit de ski'' et m'expédiait dehors, presque sans surveillance. Qu'est-ce qui aurait bien pu m'arriver? Je passais des heures à pelleter des trous dans l'énorme banc de neige qui trônait devant notre maison. Après dîner, maman et moi faisions la sieste sur le canapé, la rumeur de Ciné-Quiz, berçant notre sommeil...

Le temps a passé. Les temps ont changé.

On a changé l'eau du bain. Et le bébé aussi.


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Essayez, juste comme ça, d'imaginer le quotidien d'un enfant moyen se développant en 2013.

Réveil aux aurores. Petit déjeuner avalé en vitesse. Siège d'auto. Maman et Papa pressés, pressés, avec leurs visages pressés. Leurs visages sérieux. La météo et les infos claironnant à la radio. Vite. Vite à la garderie, déshabille-toi. ''À ce soir mon trésor. Meuh non, mon chou, ne pleure pas. Allez, va voir les amis..."

Beaucoup de stimuli. Et la journée ne fait que commencer.

Pour la plupart des enfants nords-américains, la vie est un tsunami quotidien de stimuli, lequel n'est pas toujours facile à naviguer compte tenu du fait que leur système nerveux soit en pleine croissance.


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Plus un enfant est stimulé par le bruit, par la couleur, par les lumières, par le mouvement des autres, par la folie furieuse du temps des fêtes, plus son système nerveux est mis à contribution. Advenant qu'il soit trop sollicité, celui-ci saura s'adapter. Mais pas à n'importe quel prix.


Dans le cas de notre petite souris-toupie bombardée de toutes parts, cette adaptation la fera peut-être taper continuellement du pied. Ou se tortiller. Ou bavarder sans cesse. Ou devenir colérique. La réponse motrice du système provoquera, finalement, un comportement que nous nous empressons souvent à corriger, parce qu'il est dérangeant. Dé-rangeant.

Mais essayons un peu de voir les choses autrement.

Et si cette souris-toupie tentait simplement de nous signifier très clairement, son besoin d'être en mouvement? Histoire de faire circuler le sang et donc l'oxygène, vers les 72 km de tissu nerveux qui sillonnent son petit corps et vers le chef d'orchestre par excellence : j'ai nommé le cerveau. Et si cette façon de voir la bougeotte chronique de nos touts-petits, nous faisait un peu réfléchir sur cette tendance que nous avons tous, en ces temps modernes, à trop vouloir en faire. Tout le temps.


Elle est formidable notre époque. Mais elle est aussi très, très énergivore. Voilà pourquoi Il faut beaucoup jouer dehors. Savoir s'arrêter aussi. Le plus souvent possible. Tamiser les lumières. Éteindre la radio. Ne rien faire du tout. Mettre le Calme dans notre corps.

Pianissimo sourissimo.


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Lorsque mes petites souris ne semblent plus du tout disposées à écouter la belle histoire que je leur avais préparée, ou à vouloir suivre le beau programme que je leur avais concocté, je mets mes talents de chanteuse de Jazz à profit. J'improvise.



Parce que pour jouer du Jazz, du bon Jazz, il faut savoir écouter le Temps qui passe.

Puisse 2013 vous combler de Santé et de Temps. Avec ça, on fait le reste.

De retour à l'île des Moulins, le 8 janvier.

Caro.